La chapelle du Goumont

2008 Restauration de la Chapelle du Goumont

De notre envoyé spécial “feu” Claude Van HOOREBEECK, ancien administrateur de Brania

Textes et photos libres de reproduction à la condition de citer la source, Brania, et l’auteur.

Vestige emblématique des combats du 18 juin 1815, le Goumont est assurément l’endroit où le souvenir de la bataille reste le plus perceptible. Ici, le silence est encore celui qui s’est appesanti sur le dernier souffle des combattants dont les corps-à-corps furent les plus terribles de la journée.

Seule partie encore debout du château auquel elle était accolée, la chapelle s’est figée, telle un témoin taiseux outré de tant de violences commises en un lieu sacré.

Humble mais élégante, elle a aussi ce charme des chapelles campagnardes plantées à la croisée de chemins qui marquaient les étapes de rustiques dévotions.

Elle est classée depuis le 15 juin 1936 et fut, déjà, l’objet de multiples restaurations qui, heureusement, en conservèrent l’aspect initial, sans pour autant la mettre à l’abri de l’accumulation du temps.

Une restauration profonde a donc été décidée, entreprise placée sous la responsabilité de la Région wallonne et de l’Intercommunale 1815, propriétaire des lieux depuis 2002.

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La commune de Braine-l’Alleud est doublement concernée par ces travaux. En effet, non seulement le Goumont est situé sur son territoire, mais Olivier Chamart qui en est l’échevin de la culture est aussi le président de l’Intercommunale 1815, responsable de l’ensemble du site de la bataille.

L’histoire est faite de reportages, et c’est celui de cette restauration qui sera présenté par Brania, au jour le jour, de manière à en fixer les moments les plus intéressants.

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Dernières photos

Mardi 8 avril 2008

Une dernière photo avant les travaux

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L’entrée de la chapelle à travers l’échancrure de la fenêtre d’un ancien mur intérieur du château

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Le mur du sud : toute l’enceinte sera également restaurée dans cette première phase de 40 jours

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Le Goumont, c’est aussi la plainte de vieux saules hérissés de cris enfouis

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L’inauguration des travaux

Lundi 14 avril 2008

Un petit matin gris et venteux pour l’envahissement ô combien pacifique de ces dames du Soroptimist Val Brabant-Waterloo qui viennent placer leur banderole affirmant leur implication dans cette restauration. Service club essentiellement féminin créé en 1921 sur le modèle du Rotary club ou de la Table Ronde, le Soroptimist s’engage identiquement dans des actions citoyennes et d’entraide sociale. Ainsi, le club de Waterloo a souscrit à une initiative de l’Unesco dénommée Femmes artisanes de la Paix – Construisons la Paix par le patrimoine local en proposant sa contribution à la sauvegarde de la chapelle du Goumont, haut lieu de guerre devenant ainsi lieu de mémoire et de paix. Diverses actions furent menées pour récolter des fonds et ce jour est aussi celui de la remise symbolique du chèque de 27.500 euros concrétisant cet apport financier sur un total de dépenses de 130.000 euros, tva incluse, sans les frais d’architecte.

Il faut aussi savoir que cette initiative du Soroptimist a reçu le prix du meilleur projet européen de l’Unesco dans ce contexte de paix par le patrimoine local.

C’est Olivier Chamart qui prend d’abord la parole, choisissant pour estrade une pierre qui fut sans doute jadis un parement d’angle du château, un linteau ou la marche d’un escalier tombée au terme d’un incendie fatal.

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Olivier Chamart

Il commence par évoquer l’histoire du Goumont telle que racontée par le plus célèbre de ceux qui évoquèrent les événements de la journée du 18 juin, Victor Hugo, dans Les Misérables (chapitre II). Olivier Chamart nous répète ces phrases de celui qui, en 1861, vit encore des traces de combats aujourd’hui disparues : L’orage du combat est encore dans cette cour ; l’horreur y est visible ; le bouleversement de la mêlée s’y est pétrifié ; cela vit, cela meurt ; c’était hier. Les murs agonisent, les pierres tombent, les brèches crient ; les trous sont des plaies ; les arbres penchés et frissonnants semblent faire effort pour s’enfuir.

Puis il décrit brièvement la nature et l’ampleur des travaux qui s’inscrivent fermement dans une volonté de restitution plutôt que de reconstruction, l’essentiel étant d’assurer le transfert vers le futur d’une construction qui doit garder le cachet et le caractère de l’édifice tel qu’on ‘a toujours connu. Il s’agit principalement de la charpente et de la toiture, la brique restant apparente. Par contre, les vestiges du mur du château et de l’embrasement de la fenêtre situés à la gauche de la porte d’entrée seront enduits tant pour sauver une brique totalement rongée que pour mieux évoquer le caractère intérieur de cette partie située dans le château.

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Olivier Chamart reçoit le chèque symbolique de 27.500 euros remis par Anne-Marie Delaet, présidente du Soroptimist Val Brabant-Waterloo et Nicole Yernaux, responsable des relations publiques au niveau national

Le fameux Christ au pied brûlé – il date du XVIe siècle – a été confié à l’Irpa où il et attend une paisible restauration avant de retrouver sa place sur le mur de la chapelle. Et, à propos de l’intérieur, les chaulages successifs ont fini par constituer une couche semblable à celle d’un généreux enduit, lequel s’écaille à maints endroits, livrant ça et là un fragment de graffitis à propos desquels les restaurateurs se posent des questions. Jusqu’où aller dans la recherche des couches antérieures, quelles inscriptions vont-elles être découvertes, quelle signature plus ou moins célèbre y sera-t-elle déchiffrée, et ce dans quelle antériorité ?

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A la gauche de l’autel, dans l’arrondi de la voûte, le seul graffiti actuellement visible montre cette date : 1887. Y a-t-il des traces plus anciennes ?

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Parmi les personnes présentes, Brigitte Defalque, bourgmestre de Lasne, Vincent Scourneau, bourgmestre de Braine-l’Alleud et Véronique Denis-Simon, échevin du tourisme de Braine-l’Alleud.

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le Goumont garde son silence

Vendredi 18 avril

Visite quotidienne depuis l’inauguration des travaux, lundi passé. A part le temps, rien ne change et ce serait un peu mentir en affirmant qu’il n’y a pas âme qui vive. Mais l’accueil, quoique bruyant reste courtois.

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Renseignements pris, le vrai démarrage s’annonce pour la semaine prochaine. En attendant, quelques photos, pour le plaisir de la visite.

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Le mur d’enceinte sera lui aussi restauré

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Une souche imprévue

Mardi 22 avril

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Mes visites restent régulières et l’animation du Goumont tout aussi champêtre. Pour la première fois, aujourd’hui, j’ai rencontré deux aimables ouvriers qui terminaient de débroussailler les abords de la chapelle et de couper un arbre qui avait eu la malencontreuse idée de pousser sous une partie de l’ancien mur du château.

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Manifestement, le nettoyage préliminaire sera fait avec précaution et toute la circonspection qui sied à ces murs qui seront sans doute bientôt débarrassés de ces affreuses bâches. Elles y sont depuis près de cinq ans.

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Le début

Jeudi 24 avril

Il est deux heures, le soleil est à l’aplomb de cette belle journée et je suis seul au Goumont. Avant-hier, j’avais rencontré un couple d’Anglais sexagénaire de la région de Coventry qui m’a demandé, à ma plus grande surprise, des nouvelles de Roger Temmerman, le dernier fermier du Goumont.

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Pourtant, la matinée a dû être active puisque des traces de travaux sont nettement visibles. Des pierres récupérées ont été entassées sous un plastique de protection et la souche a été partiellement dégagée.

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Malheureusement, les murs continuent à souffrir et tout un pan du redan s’est écroulé. Une autre bataille commence.

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Il y a 100 ans.

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Les traces de l’incendie de 1815 cendrent encore la couleur des pierres de marne.

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Le brossage du mur a commencé. Des décennies de chaux ramenées en poussière, en espérant trouver l’une ou l’autre inscription historique.

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Un cadrage de photo provoquant pour une chapelle en souffrances.

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Chi va piano…

Vendredi 25 avril

Le temps passe. Mais pas le temps qu’il fait. Et tout ce qui peut être annoncé
se résume à cette photo.

Quant aux travaux, prudence et patience…

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Et, à défaut de montrer de spectaculaires changements, voici, au moins, une
allusion aux objectifs de paix soutenu par le Soroptimist qui finance une partie
des travaux. Un pigeon au Goumont, cela vaut bien une colombe, non ?

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Son caractère champêtre ?

Vendredi 2 mai

Rien ne sert de vous encombrer de rubriques qui n’ont aucun progrès ou
changement à annoncer. N’empêche, pour bien attester de notre veille depuis une
semaine, la photo du jour. Le châtaignier de gauche, le seul survivant des
trois, fait ses premières feuilles. J’avais déjeuné avec Jacques Logie quelques
jours avant son décès, au mois d’aout de l’année dernière et il m’avait confié,
en tant que membre de la commission des sites et des monuments, qu’une analyse
dendrologique avait été faite, analyse qui confirmait les trois siècles
d’existences de ces vénérables contemporains de la bataille.

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Pour combien de temps encore le Goumont gardera-t-il son caractère champêtre ?

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Suite

Lundi 5 mai

Lors de ma dernière visite, vendredi, et pour la première fois, je n’ai pu
entrer dans la cour de la ferme. Les grillages du chantier étaient cadenassés et
la porte cochère de l’arrière bien fermée. D’où les photos d’ambiance.

Aujourd’hui, temps splendide, enfin du soleil, et l’accès possible.

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Quelques briques écroulées ont été enlevées et les récentes pluies ont lavé la
souche. Mais, curieusement, cette lessive permet aussi de découvrir que le petit
mur de redan ne reposait sur aucune fondation. A moins que…

Mais le mauvais temps et l’implantation têtue d’une souche tentaculaire n’ont
pas empêchés le nettoyage ou plutôt le lent décapage de la ou des couches de
chaulages de la chapelle.

Alors, petit rappel en forme “d’avant”…

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… suivi d’un “après” qui n’est jamais que celui de ce jour.

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Alors, ô surprise… Herbert Hittert est parvenu à marquer son passage, là tout en
haut, en 1865. Et A. Van Wilder, de Tournay, a fait de même en 1887. Et David P.
Laird, et P. Seghers, et L. Cronacker… Illustres inconnus dont le graffiti
iconoclaste prend des allures d’épitaphe, vous voilà transformés de témoins en
sentinelles au chevet de ceux qui périrent ici.

D’autres dates, au hasard : 1867, 1888, 1887 encore…

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Le Goumont se donne des airs de Sixtine à la mode de Lascaux.

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Mais, aujourd’hui 5 mai, anniversaire de la mort de l’Empereur en 1821, cette
flagrante inscription de 1861, la plus ancienne repérée par nos faibles moyens,
année de la visite de Victor Hugo sur le site de la bataille et de son long
séjour à l’hôtel des Colonnes où il acheva “Les Misérables”.

1861 : c’était il y a 147 ans, 46 ans après la bataille.

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Portait ou hasard de traits désordonnés au gré d’écailles de chaux… qu’importe,
il a un air d’apôtre au Golgotha qui serait mi Van Gogh, mi Cocteau.

Je m’en ferai un ami.

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Un mois déjà

Mercredi 14 mai 2008

Ami visiteur,

Oui, c’est dur de tenir une rubrique d’actualité quand il ne se passe rien. Du moins, en apparence. Depuis l’inauguration des travaux, il y a tout juste un mois, vous avez pu découvrir un mur qui s’écroule, un souche récalcitrante, une bâche bleue qui se rétrécit ainsi qu’une collection de graffitis dont certains ont plus de 150 ans.

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J’ai croisé hier une responsable du Patrimoine de la Région wallonne qui, sans m’en dire davantage, m’a laissé entendre que ces graffitis posent effectivement un problème en termes de poursuite des travaux. A garder, oui, non, si oui, comment, et lesquels, sachant de toute manière l’arrête centrale du plafond de la chapelle flanche, que la toiture doit être restaurée et que tout ce plâtras devra, à mon avis, quand même être enlevé.

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Mais, trêve de supputation, en attendant de d’en savoir ou d’en voir plus, voici malgré tout quelques images bucoliques tant pour vous faire patienter que pour attester de notre passage en ce beau jour

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Le puits aux soi-disant cadavres, le puits aux bêtises, mais un puits de légende malgré tout.

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Avec ses contreforts, la grange se donne des airs altiers de forteresse. Mais le seul combat qui peut encore menacer ses murs, c’est celui qu’ils doivent mener contre le temps.

Dernière minute

Les travaux sont officiellement suspendus jusqu’au 25 mai, en attendant l’expertise de l’Institut royal du patrimoine artistique (Irpa) qui va inventorier et étudier les fameux graffitis. Les modalités et la nature des travaux ultérieurs dépendront de cette expertise.

Victor Hugo a lui-même laissé de nombreux graffitis en hommage à sa maîtresse, Juliette Drouet. Et pourtant… entre 1861 et 1863, il visite trois fois les ruines de Villers-la-Ville et, exaspéré par les nombreuses inscriptions qu’il découvre, il grave à son tour dans la pierre :

Veni, vidi, flevi.

Ô fats ! sots parvenus, ô pitoyable engeance

Qui promenez ici votre sotte ignorance

Et votre vanité

Cessez de conspuer cette admirable ruine

En gravant vos noms qui, comme une vermine

Souillent sa majesté

La chapelle du Goumont, même si elle est plus humble, a tout autant de majesté.

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Cendres et citerne

Mercredi 21 mai

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Passage de routine au Goumont en ce tristounet matin qui contraste d’avec le temps des journées précédentes. Et je me sens d’autant plus affligé que le spectacle qui m’attend dans le dernier tournant, c’est…

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… cela !

Et dire que nous sommes à moins d’un millier de mètres d’une déchetterie, que nous sommes entourés de gens respectueux de la planète, d’adultes responsables, de citoyens engagés, d’électeurs sourcilleux de leurs droits et d’amoureux de promenades qui exigent que le Ravel passe en dessous de leurs fenêtres. Je râle.

Quid des travaux, depuis plus d’une semaine ?

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La plus intense trace d’activité est celle qui permet de constater que toutes les pierres de marne soigneusement entreposées aux alentours ont été remisées à l’intérieur de la chapelle. Il se dit que c’est dans la perspective de la prochaine affluence de visiteurs pour les festivités et reconstitutions des 21 et 22 juin et qu’il vaut mieux les mettre à l’abri des amateurs de souvenirs.

Entretemps, votre serviteur a pris contact avec l’Irpa pour tenter d’en savoir plus à propos des graffitis. Il apparaît que ceux-ci seront inventoriés et analysés et qu’une décision sera prise ultérieurement quant à la manière de poursuivre les travaux. Ceux-ci sont, en tout cas, en arrêt provisoire jusqu’au 25 mai, comme déjà annoncé.

Entretemps, autre découverte mais, cette fois, dans des archives.

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Ce document attestant de l’ancienneté des graffitis est reproduit à la page 40 de l’incontournable La tragique histoire du château d’Hougoumont, livre dû à la plume d’Hector Fleischmann, paru en 1913 et édité par les Amis de Waterloo. L’auteur le date de 1879.

La seule différence, ami visiteur, est qu’il s’agit d’un tirage réalisé la semaine dernière au départ du négatif original (en fait, une plaque de verre), effectivement daté de 1879, conservé par un historien amoureux du site et ô combien connaisseur de son histoire et même de sa petite histoire. Qu’il soit, ici, remercié pour cet inestimable apport à la documentation du site du Goumont.

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Autre document exceptionnel, provenant de la même source, et identiquement reproduit dans le même ouvrage d’Hector Fleischmann, à la page 24, avec comme légende Les ruines du château et de la chapelle d’Hougoumont il y a trente ans. Pour mémoire, cet ouvrage a été édité en 1913. Il se fait que ce négatif (dans ce cas, une pellicule argentique) est précisément daté de 1873 et la photo a été prise par un certain Berger, sans doute l’imprimeur père de René Berger, le photographe bien connu de Braine-l’Alleud à la fin du siècle.

Vendredi 23 mai

J’avais un rendez-vous au Caillou et, à tout hasard, j’ai fait le détour par le Goumont. Bien m’en a pris parce que, contre toute attente, il s’y est passé quelque chose et ce n’est pas banal.

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La chapelle a commencé d’être ceinturée d’échafaudages et le responsable du chantier m’apprend que les travaux reprennent, comme prévu, ce lundi 25 mai.

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La souche a enfin été enlevée, mais elle laisse évidemment place à une assez large et relativement profonde excavation.

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L’intimité des fondations apparaît ainsi. Fondations, non, pas réellement, mais les ouvriers désoucheurs ont mis à jour des gravats, des briquaillons, des briques entières éparses çà et là, mais, surtout, l’ébauche d’une maçonnerie appareillée à quelques dizaines de centimètres sous le niveau actuel du sol. Il y aurait donc l’amorce d’un mur et donc matière à la plus grande prudence pour la poursuite des travaux.

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Et ce d’autant plus, qu’à certains endroits, mais presque toujours à la même hauteur, se devine une petite couche noirâtre manifestement constituée de cendres. Serait-ce donc une trace de l’incendie de 1815 ?

Tout cela est assez perturbant pour que le responsable des travaux avertisse qui de droit pour non seulement faire couvrir cette fosse d’une bâche en prévision des pluies de ce dimanche mais aussi de décider à nouveau de suspendre les travaux jusqu’à ce qu’historiens, archéologues et autres responsables du patrimoine en décident autrement après examen scientifique de ce bête trou qui s’ouvre sur l’histoire.

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De nombreux morceaux de verre plat, du verre à vitre, un goulot de bouteille, des tessons de verre brun et une petite fiole, moulée donc relativement moderne, se rencontrent lors d’un simple balayage de la main. Souvenirs de visiteurs, négligences des exploitants, sans doute mais néanmoins témoins de la fréquentation du site depuis bien longtemps. Et cela vaut certainement la peine d’en savoir un peu plus sur ce que cache la terre dans les environs immédiats de cette chapelle qui, rappelons-le, n’est qu’une toute petite partie attenante au château qui, lui, a complètement disparu.

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Autre témoin, mais qui le datera, un beau fer d’ancre de maçonnerie.

Mais ce n’est pas tout… Entretemps, le gardien des lieux surprend une conversation où il est question d’hypothétiques amorces de caves à proximité du trou de la souche. Et, surprise, il affirme qu’une cave, il y en a une, à quelques pas de là. Il s’éloigne, soulève un gros fragment de pierre bleue,

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pierre qui laisse apparaître un orifice d’une quarantaine de centimètres de côté béant sur ce qui est effectivement une cavité maçonnée.

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Mesure prise : 2 mètres et 60 centimètres de profondeur. Quelqu’un aurait-il une échelle suffisamment étroite mais assez longue pour permettre une reconnaissance ? Mais oui, et moins de cinq minutes plus tard, je suis au fond grâce à un certain nombre de contorsions qui me permettent, finalement, de descendre à condition de ne pas me tenir aux barreaux de l’échelle, devant tendre les bras vers le haut pour passer l’orifice. Une fois en bas, je découvre avec soulagement que le sol est légèrement spongieux mais propre. Je n’y vois rien du tout et je fais quelques photos, espérant que le flash permette de sonder le mystère de ce lieu.

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Toutefois, ce n’est qu’une citerne voûtée, d’environs 2 mètres de longueur, au fond de laquelle git une grosse pierre qui méritera certainement une attention particulière.

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On connaît, sur papier, l’histoire du Goumont depuis cinq siècles. Les souvenirs se sont accrochés aux combats de 1815 mais, finalement, que sait-on de son sol, de son passé de demeure des Arrazola, des travaux faits par le comte de Louville ou des aménagements effectués par la comtesse de Robiano ? Les Foot Guards ne sont pas les seuls à avoir une histoire au Goumont. Les pierres en ont une aussi et il serait intéressant de les laisser parler.

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Hugo et le Goumont

Vendredi 30 mai

L’étude de l’Irpa

Je sais de bonne source que de nombreuses photos des graffiti ont été réalisées par l’Institut royal du patrimoine artistique mais que son atelier de restauration de peinture murale n’interviendra pas in situ. Rien n’a changé à l’intérieur de la chapelle, si ce n’est qu’elle sert toujours d’abri pour les pierres de marne récupérées aux abords du chantier et que le cintre de la voûte a été étançonné.

En attendant, je vous livre quelques réflexions personnelles inspirée par le graffiti daté de 1861 (voir la photo dans Suite) ainsi que le contexte du Goumont à cette époque.

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La chapelle reblanchie en 1849

C’est dans la deuxième partie des Misérables, Cosette, que Victor Hugo raconte à sa manière la bataille de Waterloo. Il l’introduit par la narration de sa visite au Goumont : en 22 pages, il décrit les lieux et raconte brièvement les combats qui s’y sont déroulés.

Il s’attarde longuement sur la chapelle et parle des graffitis :

Les murs sont couverts d’inscriptions. Près des pieds du Christ on lit ce nom : Henquinez. Puis ces autres : Conde de Rio Maïor. Marques y Marquesa de Almagro (Habana). Il y a des noms français avec des points d’exclamation, signes de colère. On a reblanchi le mur en 1849. Les nations s’y insultaient.

Victor Hugo a passé deux mois à Waterloo, à l’Hôtel des Colonnes, en mai et juin 1861. Il y termine la partie “Waterloo” de son manuscrit et il note J’ai fini les “Misérables” sur le champ de bataille de Waterloo, aujourd’hui 30 juin 1861, à 8 heures et demie du matin, jour de la kermesse de Mont-Saint-Jean.

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Cette gravure de Gérard date des environs de 1840

Le plus ancien des graffitis visibles actuellement date de 1861 et ils abondent ensuite, avec des dates frôlant la fin du siècle. Dès lors, si la couche actuellement visible est celle qui a été observée par Victor Hugo avant la fin juin 1861, les deux inscriptions qu’il cite doivent théoriquement être retrouvées et cette collection de graffitis couvrirait la période 1849 à, au moins, 1888 selon mes constatations.

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1865

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1887

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1888

Dans le cas contraire, la présence de ce 1861 indiquerait qu’une nouvelle couche de peinture aurait été appliquée entre le mois de juin et la fin de cette année 1861 et elle serait donc postérieure à la visite de Victor Hugo. Dès lors, la couche actuelle est postérieure au passage du poète.

Il est toutefois impossible que des graffitis n’aient plus été plus apposés après1888. Les couches de peinture ultérieures semblent ne plus être faites au lait de chaux et devraient donc normalement couvrir davantage tout en adhérant plus fortement entre elles sans pour autant être fixées sur cette couche à la chaux. C’est donc vraisemblablement l’ensemble de ces couches qui a pu s’enlever assez facilement en définitive pour permettre de mettre à jour ces graffitis.

Le fermier du Goumont en 1861

Et, pour compléter le contexte, l’exploitant de la ferme du Goumont est, à cette époque, Pierre-Joseph Vancutsem. Né à Plancenoit le 31 mai 1817, il est alors âgé de 44 ans et vit avec son épouse Marie-Joseph Tirleroux et leurs huit enfants dans le corps de logis de la ferme actuelle, la fameuse maison du jardinier. Il s’était marié le 17 juillet 1844 et il décède le 3 mai 1865. Toutefois, son épouse reste au Goumont jusqu’en janvier 1883 ¹. Le propriétaire est le comte Maurice de Robiano. Né le 26 septembre 1815, il sera sénateur (de l’arrondissement de Roulers) de 1859 jusqu’à son décès, à Bruxelles, le 17 décembre 1869. Marié à la comtesse Marie Désirée de Hemricourt de Grunne ², il aura deux fils, Philippe et, Paul ³, et deux filles, Marie-Sophie et Alix.

1 Bosse, Jean, Histoire du Goumont, Glanures au fil du temps, Association du Musée de Braine-l’Alleud, fascicule n° 13, 1984, page 9.
2 1817 – 1882. Mariage le 1er mai 1843.
3 Eltville (duché de Nassau, l’actuel land de Hesse), 23 mai 1844 – Badenweiler (Allemagne), 25 mai 1872.

Le premier président de la Commission royale des Monuments

Maurice de Robiano était le deuxième fils de François Xavier de Robiano. Il est né à Bruxelles le 23 décembre 1778 et il décède à Saint-Josse le 6 juillet 1836 après une vie marquée par son engagement politique dans le parti catholique. Nommé gouverneur de la province d’Anvers dès l’indépendance, en 1830, il quitte ses fonctions le 7 avril 1831 pour se consacrer entièrement à son poste de sénateur qu’il conservera jusqu’à son décès en 1836. Il sera aussi le premier président de la toute neuve Commission royale des Monuments voulue par Léopold Ier et créée par l’arrêté royal du 7 janvier 1835 ¹. Il était marié à Marie-Christine Gillès ²,

1 Voir le site de la dite Commission sur www.crmsf.be/historique.
2 Anvers, 24 juillet 1783 – Waudrez, 1er décembre 1840. Mariage à Anvers, le 1er décembre 1805. Fille de Louis-Michel Gillès et de Jeanne Pétronille de Pret, Dame de Dieseghem.

Les Misérables : facteur d’un nouveau tourisme ?

Les Misérables furent publiés pour la première fois à Bruxelles, par les éditeurs Albert Lacroix et les frères Verboeckhoven. Le contrat avait été signé le 4 octobre 1861 et valait à son auteur la coquette somme de 300.000 franc-or, montant qui laissait aux éditeurs tous les droits de traduction.

La première partie, Fantine, est en vente à Bruxelles le 30 mars 1862 et à Paris le 4 avril. Les deuxième et troisièmes parties, Cosette et Marius, le sont simultanément dans les deux capitales le 15 mai tout comme le sont les quatrième et cinquième parties le 30 juin.

La parution de ces dix tomes en cinq volumes fut précédée d’une tapageuse campagne publicitaire à grand renfort de placards dans les journaux et l’accueil fut triomphal. Il a été dit que les correcteurs pleuraient en relisant les épreuves.

L’effet produit par cette mise à l’honneur du Goumont et de sa chapelle à travers toute l’Europe a certainement dû contribuer à un regain d’intérêt pour le site de la bataille et très certainement pour le Goumont qui est le seul lieu précis aussi longuement décrit.
Et nombreux sont sans doute ces touristes lecteurs des Misérables à laisser une trace de leur passage sur les vénérables murs de cette illustre chapelle.

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Les travaux en cours

vendredi 30 mai

Le trou laissé par le dégagement de la souche a été fouillé jusqu’à une profondeur d’environ 1,20 mètre et a été recouvert de palettes et d’une bâche de protection. Une fondation de briques a été mise à jour ainsi qu’un départ de mur en moellons. Tout reste en l’état tant que les experts ne décident de la manière de poursuivre la restauration à cet endroit. En attendant, j’ai quand même vu ce vendredi deux maçons qui découpaient, au burin, des briques sur les murs de la chapelle. Marquées à la craie jaune par le conducteur des travaux, ce sont soit des briques originales, elles sont espagnoles, fortement abîmées, soit des briques “modernes” provenant de restaurations anciennes. Elles sont enlevées tant pour des raisons esthétiques que pour une pose qui les met en saillie par rapport à la maçonnerie environnante.

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L’angle arrière, à la droite de la plaque des Foot Guards

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Le deuxième angle, au chevet, avant…

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… et après.

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Du travail sur mesure

J’ai beau me dire que c’est pour la bonne cause, je suis quand même impressionné de voir ces belles briques finir en gravats. Mais c’est vrai que toutes celles qui étaient ainsi enlevées étaient particulièrement friables et donc sujettes à un effritement ultérieur désastreux. Mais j’ai aussi appris que l’entrepreneur avait déjà son stock de briques anciennes de récupération. A raison de 5 à 6 euros la brique… Par contre, mes interlocuteurs ignoraient encore le type de mortier qui sera utilisé pour remonter les briques lors de la restauration.

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Visite au grenier

Vendredi 6 juin

Ce n’est plus un pays… c’est une éponge.

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Non, cette photo n’est pas floue : ce sont les nuages qui flirtent avec les vallons. C’est comme si le ciel s’était accroupi pour essayer de se cacher derrière les arbres, en oubliant qu’ainsi il nous laisse toute son eau. Horrible temps…

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Le Goumont se retranche derrière un gué. Maintenant, la visite doit se mériter et le vieux seigneur se fait désirer.

Je suis passé tous les jours de cette semaine sans voir grand monde. Il y a la météo, certes, mais aussi l’attente des différents avis des spécialistes devant décider de la manière dont les travaux seront poursuivis.

Ce mercredi 4 juin, quelques ardoises ont été enlevées pour permettre l’examen de la charpente.

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Il me revient que des traces d’incendie auraient été constatées mais je n’en sais pas plus. Que je sache, la chapelle n’a pas brûlé, en 1815. Cernée par le feu, sans doute, et Victor Hugo parle de flammes léchant les pieds du Christ. Il était au dessus de la porte. Mais l’iconographie ne nous montre jamais de graves dégâts dus au feu. Même si elle n’est pas d’une qualité exceptionnelle, la photo datée de 1873 illustrant le reportage du 21 mai (Cendres et citerne) ne permet pas de percevoir les traces d’un incendie. Pas plus que les gravures de Gérard dont la production s’étale sur une quinzaine d’années entre la fin des années 1820 et 1840. Quoi qu’il en soit, la charpente actuelle nous livrera bien son âge et son état.

J’ai eu, exceptionnellement, l’occasion de pouvoir monter au grenier de la maison du jardinier.

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J’ai l’impression d’être derrière un décor et même de me sentir indiscret. Ce lieu est tellement étrange et pourtant ce ne sont que des combles. Ce chien assis s’est refermé sur le souvenir d’une bataille. Nous sommes au dessus de la porte du sud et nul de saura jamais le nom du soldat anglais des Guards qui, d’ici, tira sur les Français massés en dessous de lui.

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Détails du tableau montrant la défense du Goumont par les Coldstream Guards (National Army Museum, Londres) peint vers 1816 par Denis Dighton (1792-1827).

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Ces trous pratiqués dans la maçonnerie servent à insérer une poutre permettant de soutenir un échafaudage. Ils portent un nom : ce sont des opes et offrent un regard original sur la chapelle comme vous ne l’avez jamais vue.

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Vue d’une fenêtre du 1er étage.

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Encore une vue au travers d’un ope : la butte est là, quelque part, cernée par les nuages.

Attention les photos de cet article ne sont pas libres de reproduction

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La première brique…

Mercredi 11 juin

Même si l’enlèvement de briques abimées se poursuit, certaines ont déjà été remplacées.
Il s’agit de faire approuver la technique par l’architecte avant de poursuivre le remplacement des autres parties en mauvais état.

Ces premières briques ont évidemment un aspect un peu neuf qui surprend mais quelques pluies, et cela a déjà commencé, suffiront pour leur donner la patine nécessaire pour les fondre dans l’ensemble. Quoi qu’il en soit, elles sont faites à la main, séchées et cuites à l’ancienne dans une toute petite briqueterie. Ceci garantit bien plus la restauration que d’utiliser des briques de récupération dont la qualité n’est pas toujours assurée.

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Le mortier est un vrai mortier à l’ancienne. Mais encore ?

Au départ, il faut de la chaux dite aérienne. Les plus pures des pierres calcaire sont calcinées à 900° C pour obtenir cet oxyde de calcium sous forme d’une masse pâteuse assez dangereuse à manipuler. Puis, cette chaux vive sera éteinte, c’est-à-dire additionnée d’eau, ce qui provoquera un énorme dégagement de chaleur. Cela peut durer plusieurs semaines. C’est la base du mortier qui est composé de sable de rivière et de poussière… de sciure de pierre de Gobertange. Les entreprises Colen travaillent beaucoup cette noble et belle pierre et les résidus de découpe sont précieusement récupérés pour assurer au mortier de restauration et sa solidité et son aspect esthétique. Evidemment, cela a un prix…

Pour mémoire, la chaux vive est employée depuis l’Antiquité aussi bien comme badigeon et mortier que pour, par exemple, protéger le tronc des arbres fruitiers ou pour empêcher la putréfaction de cadavres.

Le résultat : avant…

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… et après.

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Quelques essais ont ainsi été réalisés pour être approuvés officiellement. Admirons, au passage, l’élégance et la précision de ces briques d’angle très ouvert qui épousent parfaitement la structure originelle.

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Ces “nouvelles” briques ont un aspect et des formes qui ne dépareillent pas dans l’ensemble. De plus, leur alignement à la pose se fait de manière à reproduire les “maladresses” des bâtisseurs de l’époque, ce qui renforce le caractère d’authenticité.
Il ne s’agit pas de pose à l’aide du niveau d’eau et de l’équerre, pas plus que du fil à plomb : c’est l’œil et la main du maçon qui permettent d’ainsi “d’imiter” la pose à l’ancienne. Mais, pour cela, que d’expérience, de savoir-faire et d’amour du métier…

Bien malin serait celui qui, dans quelques mois, pourra mettre le doigt sur l’ancien et le restauré.

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L’enlèvement des parties suspectes ou friables se poursuit avec, parfois, des plaies plus évidentes que d’autres.

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L’enlèvement de la souche a eu des séquelles néfastes pour un vestige de mur qui a disparu. Par contre, la fouille des racines a nécessité un tel déblayement que, finalement, une bonne et belle fondation a été mise à jour (la porte de la chapelle est à la droite de la photo).

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Et ce n’est pas sans surprise puisque le dégagement des terres situées à la droite du mur montré ci-dessus a permis de remarquer la présence de briques posées sur champ, appareillage qui est manifestement celui d’une voûte. Il y a donc là des caves. Mais comme ni le temps ni l’argent nécessaires pour pratiquer des fouilles ne sont prévus, cette cave restera enterrée.

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L’amorce d’une voûte.

Quant aux recherches concernant l’état de la charpente, il s’avère qu’un dilemme se pose, à savoir conserver les graffitis, en tout ou en partie, tout en permettant la restauration de la voûte de la chapelle. Il semble bien que le voligeage de la toiture soit en bon état. Il ne paraît pas très ancien et aurait même été remplacé à une époque récente, cette notion restant quand même assez relative. Renseignements pris, ce travail devrait en tout cas être antérieur à 1961, date de l’arrivée des derniers fermiers ayant exploité le Goumont. Pourtant, la restauration exige un accès à la crête de la voûte, faute de quoi la restauration de cette toiture ne pourrait être réalisée comme il se doit. En tout cas, toutes les ardoises seront remplacées.

J’ai aussi appris qu’il n’y eut qu’une seule couche de peinture, au latex semble-t-il, qui ait été appliquée depuis 1961, et ce fut en 1976, lorsque les Anglais s’en vinrent effectuer toute une série de travaux au Goumont et même ailleurs. Mais, cela, c’est une autre histoire dont celle, par exemple, de Derek Saunders qui vida le puits à cette époque.

Quant à l’état actuel de la porte de la chapelle, il daterait d’après le vol de la statue de Sainte-Anne dans la chapelle, une statue du XIVe siècle, soit après mars 1975, lorsqu’il fut décidé de garder la porte fermée après y avoir pratiqué une ouverture et posé la grille qui permet malgré tout de regarder l’intérieur de l’édifice.

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Cette porte a néanmoins un certain âge, pour preuve cette date – 1874 – gravée dans le chambranle gauche, à hauteur de la base de cette grille.

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Dernières nouvelles

jeudi 12 juin

Le ru du Goumont

Je vous avais déjà montré le gué du Goumont, voici maintenant le ru du Goumont, en plein déversement des étangs du Goumont, en cette fin de matinée du 12 juin. Pourtant, ce n’était même pas un orage. Alors, imaginez ce que pouvaient être celui du 17 juin et ceux de la nuit du 18 juin 1815, alors que Napoléon s’apprêtait à attaquer, en commençant les combats ici même.

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Même la faune locale s’adapte : je n’avais jamais remarqué de canard dans les environs.

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Les vaches, un peu hébétées, campent stoïquement, les pieds dans l’eau

Inutile de vous dire que je n’ai vu personne à l’œuvre, le temps ne permettant pas la moindre activité.

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Visites et visiteurs du passé

Vendredi 14 juin

En quelques photos, plusieurs jours de visite et un peu de documentation.

La réfection du petit mur se poursuit. La base de la fondation a été consolidée par un petit coffrage de béton et les terres qui avaient été enlevées ont été remplacées par du gravier. Souci du détail…

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C’est ici que se trouvait la souche. Les briques qui parent le mur de droite ont été placées lors d’une restauration contemporaine, sans doute en 1976. Elles vont être enlevées, tant pour des raisons esthétiques que pour permettre la consolidation de l’autre face de ce mur, face constituée, elle, de pierres de marne.

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Mercredi 17 juin

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Là voici, cette autre face, totalement dégagée. Le muret de gauche prend belle allure.

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Le raccord entre les deux murs est réalisé. Nous sommes ici à l’intérieur de l’ancien château.

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Comme on ne l’avait pas vu depuis longtemps…

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18 Juin 2008

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Les pierres tombales de Blackman (à l’arrière) et de Cotton

L’anniversaire de la bataille…

Comment ne pas y penser! C’est l’anniversaire de la bataille et donc du décès de tous ces jeunes soldats et officiers qui laissèrent ici leur dernier souffle. J’y songe en cette superbe journée : la brise qui parfume le Goumont ne serait-elle pas le fantôme de tous leurs soupirs ?

J’aurai donc une pensée particulière pour celui qui reste le seul vrai gardien du Goumont, le seul dont la tombe se trouve non loin de la chapelle, à savoir John Lucie Blackman, capitaine du Coldstream Guards, âgé de 21 ans et 9 mois (il est né le 4 octobre 1793). Son corps, ainsi que celui du sergent Cotton qui fut inhumé à quelques mètres en 1849, fut transféré, le 30 juillet 1890, dans la crypte du monument anglais du cimetière de Bruxelles, à Evere, aux côtés de 15 autres officiers anglais.

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Le plan du Goumont , tel que reproduit par Siborne: à hauteur de la mention “Hougoumont”, l’ensemble des bâtiments est prolongé, à droite, par un rectangle dans lequel on distingue les allées qui convergent vers ce “rond blanc”, sorte de rond point. Ce parc est clôturé et la tombe de Blackman se trouve en deçà du mur sud (la butte du Lion se trouve à peu près à l’emplacement de la mention “Library”, en haut à droite).Cet ancien parc est le verger actuel.

( Siborne, William, captain, Half Pay, Constructor of the Waterloo Model, The Waterloo Campaign 1815, Birmingham, 1 January 1894, Fourth Edition, Turnbull and Spears )

Le chantier n’est plus accessible à cause des préparatifs de la reconstitution prévue pour le prochain week-end ainsi que pour l’installation du bivouac, dans le verger proche. Trop de touristes, trop de monde : cette partie-là du Goumont redevient une forteresse.

Autant en profiter pour vous livrer quelques documents intéressant sur l’évolution de l’état de la chapelle à travers quelques anciens documents et témoignages.

A propos des graffitis et du chaulage de la chapelle, tout d’abord.

Jules Claretie est un écrivain français (Limoges, 3 décembre 1840 – Paris, 23 décembre 1913). Il est l’auteur d’une centaine de romans et de pièces de théâtre ainsi que d’études historiques dont les cinq volumes de son Histoire de la Révolution de 1870-1871. Il fut aussi journaliste et voyagea beaucoup. Il visite la Belgique en septembre 1864 et raconte son passage à Waterloo et au Goumont – (Voyages d’un Parisien, A. Faure, libraire éditeur, Paris, 1865, pages 300 et 301).

Retenons ce bref passage :

On raconte que, le 18 juin, lors de l’incendie du château, la flamme qui avait envahi la chapelle, s’arrêta net aux pieds de ce Christ. Cette chapelle est blanchie à la chaux, constellée de ces noms vulgaires qu’on retrouve partout et qui choquent toujours. — On devrait les effacer, dit un de mes compagnons. L’hôtesse d’Hougoumont sourit : — Ah ! monsieur, dit-elle, si vous aviez vu jadis ! Toute cette chapelle était couverte d’inscriptions. Les Anglais y insultaient la France ; les Français répondaient aux Anglais. Chacun sortait furieux ; il fallait en finir. J’ai fait alors venir de Bruxelles deux ouvriers qui m’ont blanchi tout cela, mais j’ai grand’ peur d’être obligée de recommencer bientôt.

En 1864, “l’hôtesse d’Hougoumont” qu’il cite ne peut être que Marie-Joseph Tirleroux, l’épouse du fermier du Goumont, Joseph Van Cutsem qui, d’ailleurs, décèdera l’année suivante. Elle a donc fait repeindre la chapelle assez récemment et l’allusion qu’elle fait aux insultes qui en couvraient les murs s’inspire manifestement de Victor Hugo qui déclarait, dans les Misérables : Les nations s’y insultaient. Hugo a vu la chapelle en mai ou en juin 1861. Le plus ancien graffiti existant actuellement date de 1861 : la fermière a donc fait repeindre la chapelle après le passage du grand poète !

Autre document : un dessin de la chapelle paru en 1858. L’exactitude de la représentation du corps de logis, la maison du jardinier, permet de ne pas douter de celle de la chapelle et donc de son état à cette époque.

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Exceptionnel document : cette rare représentation de la chapelle a paru dans L’Univers Illustré du 19 juin 1858.

Plusieurs détails sont intéressants. Le premier est celui qui montre l’ouverture cintrée d’une porte à la droite de la chapelle.

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L’amorce de l’arcature est encore visible aujourd’hui.

Une autre porte également disparue est encore visible à l’avant plan, dans le prolongement du mur de gauche.

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Enfin, les vestiges de la tour apparaissent très nettement, avec la présence d’une fenêtre du deuxième étage.

Une autre illustration due au Français Gaston Vuillier (1845 – 1915) est publiée en page 352 d’un ouvrage de Barthélemy et Méry qui, eux aussi, ont visité le Goumont (Napoléon en Egypte, Waterloo, le fils de l’homme, les douze journées, Furnes et Cie, Paris, 1881). Son intérêt est d’autant plus grand qu’il est réalisé, selon la légende “d’après une photographie” prise vers 1881. La lente dégradation des ruines se poursuit.

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Renaissance

Mercredi 9 juillet

Après trois semaines d’interruption, nouvel état des lieux pour constater que la reconstitution des murs à proximité de la chapelle est terminée.

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L’on revient ainsi à un statu quo ante qui doit nous ramener vers 1970.

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Les traces d’une restauration manifestement très anciennes, avec obturation d’une ouverture, ont été conservées. Ces briques noirâtres sont du type espagnol et sont donc d’origine.

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L’intérieur de la base de la tour.

La finition des arrêtes doit encore être décidée. Elles seront vraisemblablement recouvertes de ciment puis d’un feuillard de plomb.

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Quant aux murs extérieurs de la chapelle, toutes les briques malades qui avaient été enlevées sont à présent remplacées.

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Le mur de droite, sous la plaque des Foot Guards…

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… et l’arrondi, au premier angle du chevet.

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Quant à l’intérieur de la chapelle, tout reste à faire. Le lattage du support de la voûte a été percé pour permettre l’examen de la toiture. Aux experts, maintenant, de décider des mesures à prendre en fonction de l’état de la charpente.

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Les châssis des deux fenêtres ont été enlevés, tant pour permettre le remplacement des briques proches que pour assurer leur propre restauration.

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Les voilà, dans l’attente des soins adéquats.

Le châssis de la fenêtre de droite (posé contre le mur) est très mal en point. Il sera remplacé par un châssis à l’identique tandis que celui de gauche sera, lui, restauré.

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La niche situé à la droite de l’autel a subit un traitement homéopathique : le mal par le mal pour assurer, ensuite, le retour à des jours meilleurs.

Le mur de l’ancien parc

Le chantier s’est déplacé vers la béance du mur du parc, l’actuel verger.

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Son état au début du mois de mai de cette année…

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… et le voici en cours de remontage.

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Les fameuses meurtrières

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En revenant vers la ferme, l’état du mur a nécessité une mesure de sauvegarde.

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Il penche dangereusement vers l’extérieur et présente une lézarde assez importante.

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La photo de droite est prise à quelques pas de la plaque posée sur le mur, en 1889, à la mémoire de Thomas Craufurd.

Le mur sera consolidé lors de la seconde phase de la restauration, laquelle est toujours à l’étude.

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Un graffiti sur verre !

Vendredi 11 juillet

Incroyable !

Le châssis de la fenêtre de gauche, celui qui sera restauré (voir la rubrique du 9 juillet) porte lui aussi, dans sa partie supérieure droite, un graffiti.

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Cette fenêtre, que l’on voit ici avant le début des travaux est sans doute moins haute que la voûte elle-même pourtant recouverte d’inscriptions mais, marquer du verre, implique une certaine détermination et, surtout, un moyen technique approprié.

Le verre ne se laisse graver que par le diamant lequel, d’ailleurs, ne peut être travaillé que par lui-même, procédé que le Brugeois Louis de Berquem découvrit en 1456. Un siècle plus tard, François 1er qui s’affiche volontiers avec ses maîtresses, fut déçu par l’attitude de l’une d’elles, Anne de Pisseleu, alors comtesse d’Etampes

C’est ainsi que, méditant sur ses déboires et sur l’inanité de ses plaisirs, comme le suggère René de Chateaubriand {1}, il grava sur une vitre du château de Chambord le célèbre distique

Souvent femme varie.
Mal habil qui s’y fie.

1 François-René de Chateaubriand, Vie de Rancé, Livre deuxième, Bruxelles, Société belge de librairie, Haumain et Cie, 1844, page 87.

L’anecdote semble avoir été citée la première fois par Jean Bernier (1622 – 1698) dans son Histoire de Blois parue en 1682 et reprise par M. Gaillard dans son Histoire de François Premier, Roi de France, dit le Grand Roi et le Père des lettres {1} , lesquels précisent toutefois que ces vers n’ont apparemment d’autre mérite que d’être une traduction du” varium et mutabile semper femina” de Virgile {2}..

1 Tome septième, Paris, chez Saillant et Nyon, 1769, page 35. L’anecdote est encore citée, sans référence, par Pierre Hurtaut et Nicolas Magny dans leur Dictionnaire historique de la ville de Paris et des environs, Chez Moutard, Paris, 1779, page 164.
2 Enéide, 4, 554-572 (NDA).

Quoi qu’il en soit, un Anglais réussit à laisser une trace de son passage sur cette vitre de la chapelle, et ce en 1859 ! Il s’agit donc du plus ancien graffiti connu, gravé 45 ans après la bataille.

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David Jones
from India
1859

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La position de David Jones devait être incommode et il n’avait certainement pas une grande pratique de ce genre de signature. Il devait être en possession d’un bijou, sans doute une bague, ornée d’un diamant. Dans l’Angleterre du 19e siècle, nobles, militaires de haut grade, francs-maçons ou commerçants sont susceptibles de porter une chevalière, armoriée ou non, dans la tradition des anneaux à cacheter. Il arrive souvent que le chaton, gravé, soit entouré de deux petits diamants. La coutume anglaise veut qu’une telle bague se porte à l’auriculaire de la main gauche mais, dans le cas de Davis Jones, il est possible qu’il ait ôté sa bague pour tracer son message.

La graphie des premières lettres est vraiment maladroite. Puis elle prend de l’assurance et la mention India est quasi parfaite, tout comme l’est la date.

Les Indes sont, historiquement, les premiers producteurs de diamants et qu’un Anglais possède un tel bijou n’a rien d’étonnant.

Encore un mot à propos de Victor Hugo et de son passage à Waterloo. S’il arrive et s’installe à Mont-Saint-Jean, à l’Hôtel des Colonnes, le 7 mai 1861, sa première visite, le lendemain, sera pour le Goumont…

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Cette vue de la chapelle n’est pas une carte postale mais bien un tirage sur papier fort au format inhabituel de 12 cm sur 16,7 cm et daté des environs de 1905. On y remarque très bien que les murs extérieurs étaient enduits et chaulés.

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La partie située avant la fenêtre du mur de gauche en conserve des traces et c’est ainsi que l’ensemble de la chapelle sera traité. Habituez-vous donc à ne plus voir ses murs de briques apparentes…

Le bâtiment se met en congé jusqu’au 5 août. En principe, la présente rubrique fait de même, à moins que d’autres documents ou nouvelles ne soient présentés d’ici là.

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Mercredi 6 août

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Le Goumont en vacances… Déserts, les lieux perdent un peu de la stupeur de leur passé pour se figer dans une sorte de torpeur, celle de la veille des moissons.

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Le travail a repris depuis hier, date de la fin des congés du bâtiment. La priorité est actuellement donnée à la réfection du mur sud auquel il ne manque plus que quelques tas de briques. Les nécessités du chantier font que, malheureusement, les photos ne sont guère instructives : clôture barbelée pour le bétail, échafaudages, groupe compresseur et palettes de briques empêchent tout plan général.

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Il s’agit bien de restauration et non de reconstruction. Les raccords entre le neuf et l’ancien se font donc à la mode de ceux qui aux lendemains de la bataille firent les premières réparations. La taille et l’aspect des briques respectent en tout cas l’aspect général, tout comme le fait leur pose, à l’œil, sans niveau d’eau ni fil à plomb.

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Chaux, sable, poussière de pierre de Gobertange : le “ciment” de rejointoyage présente cette belle couleur qui fait le charme des constructions anciennes.

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La base de la tour telle qu’elle nous apparaît restaurée. Une fois de plus, précisons que toute restauration se pense et se réalise sur base d’une collaboration étroite entre l’architecte, l’entrepreneur et le maître d’œuvre conseillés par les historiens et les archéologues (ce que sont les responsables du patrimoine de la Région wallonne qui interviennent d’office). Un grand nombre de décisions sont d’ailleurs prises au fur et à mesure des travaux en fonction des problèmes rencontrés, des aléas du chantier ou même de découvertes faites pendant les travaux. Ce fut le cas, par exemple, à propos des graffitis dont on sait, maintenant, qu’ils ne seront pas conservés. L’Irpa en a fait le reportage photographique complet, ce qui a été jugé suffisant pour conserver une trace du passage de ces touristes vaniteux et iconoclastes.

La Charte de Venise

Les grands principes de la restauration de monuments et de sites anciens ont été définis pour la première fois, en 1931, lors du 1er Congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques, à Athènes.

Ils seront revus et modifiés lors du 2ème Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques qui s’est tenu, à Venise, du 25 au 31 mai 1964. C’est ce texte qui est connu sous le nom de Charte de Venise et qui a été adopté, en 1965, par le Conseil international des monuments et des sites (Icomos, International Council on Monuments and Sites) : c’est une association mondiale de professionnels qui se consacre à la conservation et à la protection des monuments, des ensembles et des sites du patrimoine culturel. Cette organisation internationale non gouvernementale a pour objectif de promouvoir la théorie, la méthodologie et la technologie appliquées à la conservation, la protection et la mise en valeur des monuments et des sites. Ses membres, au nombre de plus de sept mille, sont des experts de divers pays et des différentes disciplines concernées : architectes, historiens, archéologues, historiens de l’art, géographes, anthropologues, ingénieurs et urbanistes.

Cette charte comporte 16 articles dont deux sont intéressants à citer. L’article 9 énonce que la restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques. Elle s’arrête là où commence l’hypothèse, sur le plan des reconstitutions conjecturales, tout travail de complément reconnu indispensable pour raisons esthétiques ou techniques relève de la composition architecturale et portera la marque de notre temps. La restauration sera toujours précédée et accompagnée d’une étude archéologique et historique du monument.

D’autre part, l’article 12 précise que les éléments destinés à remplacer les parties manquantes doivent s’intégrer harmonieusement à l’ensemble, tout en se distinguant des parties originales, afin que la restauration ne falsifie pas le document d’art et d’histoire.

Notons que l’article 5 a été intégralement transposé dans l’article 185 du CWATUP: Par conservation intégrée, il faut entendre l’ensemble des mesures qui ont pour finalité d’assurer la pérennité de ce patrimoine, de veiller à son maintien dans le cadre d’un environnement approprié, bâti ou naturel, ainsi qu’à son affectation et son adaptation aux besoins de la société.

Il y a donc un souci majeur d’équilibre technique entre le vrai et le refait, le vrai et l’authentique, le vrai et le durable, voire le vrai et l’esthétique.

En l’occurrence, la chapelle du Goumont subit une cure destinée à lui permettre d’affronter son futur tout en gardant son potentiel évocateur, sans pour autant “refaire” la chapelle d’origine. Il n’était pas question de la remettre en son état d’avant la bataille ni celui de son lendemain. C’est une chapelle, c’était un château, ce qui s’est passé ici fut terrible : tel est le souci de cette restauration.

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Vendredi 22 août

Il n’y a pas que le bâtiment qui prenne congé : il arrive que l’auteur d’une chronique fasse de même, quitte à découvrir qu’il pleut aussi beaucoup dans le Périgord. C’est cette même pluie qui m’accueille, une fois de plus, en ce vendredi, au Goumont

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Le mur du nord est terminé, le chantier nettoyé et la prairie rendue aux vaches. C’est, à nouveau, un mur d’enceinte et le temps finira bien par estomper cette cicatrice due non à une bataille mais bien à une négligence.

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Quoi qu’il en soit, ce mur conserve d’autres traces que celles des combats de 1815 : l’appareillage tel qu’il est visible sur ce raccord entre la partie qui vient d’être restaurée et le restant du mur montre bien que la notion “état d’origine” est bien vague. Ce cadrage est particulièrement éloquent tant pour illustrer les différents types de briques utilisées (format, aspect, composition) que leur pose parfois anarchique qui, à des époques bien différentes, a tenté de réparer des dégâts dont nous ignorons tout.

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Réfection, réparation, restauration, remise en état… c’est là tout le problème de ce genre d’intervention. Paradoxalement, décider où l’on va n’implique pas nécessairement décider d’où l’on part, ce qui peut, parfois, heurter le sens commun. Inversement, décider d’où partir ne détermine ni le but qui sera atteint ni le trajet qui devra être parcouru, l’un comme l’autre pouvant varier dès que l’on s’est mis en marche.

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Cette meurtrière avait disparu (tout comme sa voisine, d’ailleurs) : la revoilà en paisible lucarne ouverte sur un pré.

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La finition du muret en assure aussi la protection.

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La couverture d’ardoises de la chapelle a été entièrement enlevée. Elle n’était pas très ancienne (elle daterait des environs de 1950) et la charpente pourra être conservée à l’exception de quelques parties mineures.

Les deux hommes en combinaison blanche sont occupés à apposer la première couche du badigeon de lait de chaux qui servira de couche de fond avant la finition de couleur ocre, couleur traditionnelle des fermes des environs.

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Deux couches de finition sont prévues et la couleur exacte reste à déterminer. Un essai a été fait avec trois pourcentages différents de pigments colorés.

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Choisissez votre couleur !

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Une bien curieuse forme pour ces tuiles faîtières.

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Toute la façade sera recouverte d’un enduit à base de sable de carrière lavé et de chaux hydraulique.

L’utilisation de la chaux dans la construction est connue depuis l’antiquité. Dès le IVème siècle avant J.C., les Grecs connaissaient déjà l’usage de mortiers à base de terres d’origine balsamique et de chaux éteinte. Les Romains firent de même avec certains tufs, obtenant des mortiers qui pouvaient durcir même dans des conditions de forte humidité. La pierre marneuse fut bien vite adoptée pour produire de la chaux hydraulique mais l’usage de ces matériaux et ces techniques disparurent au cours du 19e siècle. Le ciment Portland établira sa suprématie après la Seconde guerre, à la faveur des gigantesques programmes de reconstruction qui, à cette époque, transforment en industrie ce qui était encore une activité artisanale. On redécouvre la chaux depuis quelques années tant pour des raisons techniques qu’esthétiques.

La chaux hydraulique naturelle est le produit de la cuisson de calcaires marneux entre 800° et 1000°C et est particulièrement recommandée aussi bien dans la consolidation que dans la rénovation d’édifices historiques. Sa prise rapide combat l’agressivité de l’atmosphère acide actuelle, tandis que sa porosité empêche la formation de sels dans les vieux murs contaminés.
Elle a d’autres propriétés remarquables. La chaux laisse respirer les murs des bâtis anciens et nouveaux, en favorisant les échanges hygrométriques. Elle capte et rejette la vapeur d’eau, permettant d’éviter les remontées d’humidité et elle s’oppose à la pénétration des eaux de ruissellement. Perméable à l’air, elle est imperméable à l’eau et protège les murs des intempéries. Ses vertus bactéricides et antiseptiques empêchent la prolifération des moisissures. Elle vieillit très bien et résiste au feu.

Il faut encore signaler que l’intérieur de la chapelle bénéficiera, lui aussi, d’un traitement identique si ce n’est que, comme à l’ancienne, des fibres de chanvre naturel y seront incorporées.

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Brania vient de d’entrer en possession de la collection de gravures et de lithographies d’un amateur éclairé : il y a là une trentaine de vues de différents sites, monuments et fermes liés à l’histoire du champ de bataille dont de nombreuses du Goumont. L’illustration ci-dessus est un détail d’une merveilleuse lithographie (34,5 cm x 46 cm) réalisée par Paul Lauters (1806 – 1875) à l’époque où il travaillait chez l’imprimeur Dewasme et Pleetinck sur la base d’une aquarelle due à sir Andrew Leith Hay (1785 – 1862). Ce dernier, aide de camp de son oncle le général sir James Leith Hay, fit toute la campagne d’Espagne, entre 1806 et 1814. Il publia ses souvenirs illustrés de dessins de sa plume ( A narrative of the Peninsula war, John Hearse, London, 1831.)
. Il se consacra, plus tard, à l’étude de l’architecture en publiant, par exemple, un remarquable ouvrage illustré de lithographies basées sur ses aquarelles (The Castellated architecture of Aberdeenshire, William Bennett, London, 1849.). Les vestiges de la tour sont particulièrement visibles, tout comme le sont les restes du château, à la droite de la chapelle.

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Ce “Photochrom”(1) exécuté vers 1890 montre bien que la façade (au moins) était recouverte d’un enduit. Quoi qu’il en soit, exposée au nord, elle est dans un tel état qu’il est impératif de protéger les briques, très pulvérulentes, fortement creusées à certains endroit et très imbibées d’humidité.

1(Collection privée. Le développement du procédé photochrome en 10 couleurs (photolithographie à l’asphalte) est mis au point en 1880 par la société zurichoise Orell-Füssli. Ce procédé, le Photochrom, entre la lithographie et la photographie, permet d’imprimer des images en couleurs sur des pierres lithographiques à partir de prises de vue en noir et blanc. Cette imprimerie existe toujours et est spécialisée dans l’édition de valeurs comme les billets de banque : voir aussi www.ofs.ch/fr/a-propos-de-nous/histoire.)

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Le détail de la litho Hay/Lauters déjà citée ci-dessus et cette gravure parue dans l’Illustrated London News du 22 juin 1872 permettent de bien voir la porte cintrée visible à la droite de la chapelle. Cette porte a disparu mais son côté gauche en conserve des traces d’accrochage à la chapelle. Les travaux actuels ont permis de découvrir qu’une ouverture entre les deux (porte et mur de la chapelle) avait été si sommairement bouchée que son “remplissage” s’est effondré.

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Cette vue de l’extérieur correspond à celle, ci-dessous, de l’intérieur de la chapelle. Comme jadis il en était ainsi et qu’il est manifeste que c’est une restauration ultérieure qui a voulu faire disparaitre cette sorte de fenêtre, il a été décidé de la conserver. Elle sera munie d’un châssis ad hoc.

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Quant aux châssis des deux fenêtres latérales, ils sont en cours de restauration. Les barreaux verticaux qui les protégeaient à l’extérieur sont déjà restaurés (consolidation du métal par électrolyse, antirouille et peinture) tout comme l’a été la croix du clocheton qui attend sa pose.

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La chapelle se rhabille…

Jeudi 4 septembre

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L’ardoise est une roche d’origine sédimentaire dont la formation remonte à l’ère paléozoïque, de l’âge de l’ordovicien jusqu’à celui du dévonien, soit entre 400 et 500 millions d’années, donc bien avant la formation du charbon. Ce sont, à l’origine, de très anciens dépôts de vase argileuse qui sous l’effet de hautes pressions et de températures élevées se sont transformés en bancs schisteux. Ils sont exploités en couches d’épaisseurs variables, de quelques millimètres à plusieurs centimètres, pour les tables de billard, par exemple, ou pour les lauzes, cette couverture du Massif central, des Alpes et du Périgord.

L’ardoise est employée comme tuile de couverture depuis l’antiquité et ses qualités physiques et esthétiques sont toujours très appréciées. Elle peut durer jusqu’a 300 ans… Si l’exploitation de nombreuses ardoisières a dû être arrêtée au cours des vingt ou trente dernières années pour des raisons techniques ou économiques, un regain d’intérêt a permis une certaine renaissance de l’ardoise. Celles du Goumont proviennent de carrières à ciel ouvert situées dans le nord-ouest de l’Espagne.

Une particularité due aux exigences de la restauration : la pose économique se fait sur des crochets qui soutiennent l’ardoise par le bas alors que la pose choisie pour la chapelle se fait à l’ancienne. Chaque ardoise est percée d’un coup sec au moyen de la pointe d’un marteau spécial et ensuite fixée d’un clou de cuivre.

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C’est un lent et minutieux travail de pose : les ardoises sont fixées en quinconce et en écaille, ce qui permet d’assurer aussi bien l’étanchéité que l’esthétique dans les délicats changements de plan : arrêtes, arrondis, etc.

Bientôt le clocheton… un travail de maîtrise !

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Mardi 9 septembre

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La toilette de la belle avance bien. Tuile après tuile (d’une dimension de 26 cm sur 18 cm, sur 3 mm d’épaisseur), la couverture progresse vers le clocheton. Les versants de la toiture représentent 69,51 m² d’ardoises et, à lui seul, le clocheton plus de 10 m².

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La porte n’est pas encore remise en place. Cela ne saurait tarder : la restauration est terminée, tout comme celle du Christ d’ailleurs. Mais quand reviendra-t-il ?

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Les châssis des deux fenêtres, restaurés eux aussi, béent provisoirement pour assurer le séchage de l’enduit intérieur.

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Là, il manque encore un châssis.

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Avec un peu de recul, on arrive à oublier les échafaudages.

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Comme ce soleil (et cela devient exceptionnel…) invite à la promenade, un petit tour…

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… pour constater d’autres outrages du temps qu’un avenir proche réparera.

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Par contre, cette partie-là du mur est superbe.

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Qui pourrait croire que cette photo a été prise au Goumont ? Et pourtant…

Qu’il me soit permis d’émettre un vœux : pourvu que le Goumont garde son âme champêtre, que l’ancien parc reste ce pré où de très vieux arbres figent en leurs nœuds le souvenir des souffrances du passé tout en offrant une ombre propice à de méditatifs ruminants.

La restauration de la chapelle se voulait un symbole de paix : en voici un souriant témoignage…

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En attendant le Christ…

Vendredi 12 septembre

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Trois couches de lait de chaux redonnent à la chapelle sa clarté ponctuée par la lumière qui vient s’agenouiller au pied de l’autel.

Et, surprise, cette photo permet de constater que le Christ sera replacé au dessus de cet autel, comme l’atteste la potence de fixation, au lieu du milieu du côté gauche comme il l’était auparavant ou même au dessus de la porte comme il l’était vers 1880 (voir la photo dans la rubrique Cendres et citerne du mercredi 21 mai).

C’est sans doute l’occasion de reparler de la fameuse statue de sainte Anne portant la Vierge laquelle portait elle-même l’Enfant Jésus qui, lui, avait été décapité. Cette statuette qui daterait de la fin du 15e ou du début du 16e siècle a été volée vers 1980. Sa présence a fait croire que la chapelle était dédicacée à saine Anne. Il semble pourtant que ce ne soit pas le cas.

Il existe, en effet un document émanant de l’évêché de Namur daté du 8 août 1662 dans lequel l’on peut lire : […] Nous octroyons par ces présentes miséricordieusement en Notre Seigneur quarante jours de vrai pardon et indulgence en la forme accoustumée, et aux fins ordinaire de l’Eglise à Tous ceux et celles qui, chaque année le sixième jour d’aoust qui est le jour de la feste de la Transfiguration de nostre Seigneur, visiteront la chapelle du lieu de Gomont et prieront dévotement en icelle devant l’autel par Nous y consacré en bénis en mesme jour que dessus […].

C’est clair : la chapelle a été consacrée le 6 août 1662 et la dédicace est celle de la Transfiguration du Christ. L’évêque de Namur est, à ce moment, Jean de Wachtendonck (il le fut d’octobre 1654 à décembre 1667, puis nommé archevêque de Malines, il mourut quelques mois plus tard, en avril 1668).

Un autre acte daté du 4 juillet 1702 cité par René Pède (1) confirme cette dédicace : le pape Clément XI accorde une indulgence plénière à tous ceux qui visiteront la chapelle le jour de la Transfiguration entre les premières vêpres et le coucher du soleil.

(1. La chapelle castrale du Goumont, Revue d’histoire religieuse du Brabant wallon, Chirel, tome 15, fascicule, 4e trimestre 2001, pages 219 à 238.)

La fête de la Transfiguration a été introduite dans le calendrier romain général en 1457 par Calixte III et elle se réfère à un épisode miraculeux survenu peu après la multiplication des pains. Le Christ emmena trois disciples,
Pierre, Jean et son frère Jacques, au sommet du Mont Thabor, le sommet le plus élevé (588 m) de la Galilée. Là, Il fut transfiguré devant eux, son visage devint brillant comme le soleil et ses vêtements blancs comme la lumière. (Mathieu 17, 1-2).

Ce n’est pas très particulièrement une fête populaire et il peut paraître étonnant qu’une petite chapelle castrale y soit dédicacée à la fin du 17e siècle…

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A voir l’état de l’entrée de la chapelle, il est évident qu’il fait mauvais. Il n’est donc pas étonnant que les couvreurs s’en soient allés se couvrir ailleurs.

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Les versants semblent terminés…

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… reste le clocheton.

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Les barreaux sont replacés et protégés en vue des retouches de peinture encore à faire.
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La porte, restaurée, hérite d’une serrure moderne. Le gris lui va à merveille.

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Les graffitis de la porte ont été respectés.

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Au moment de quitter les lieux en ce vendredi midi toujours aussi pluvieux, le soubassement des murs recevait sa première couche de lait de chaux teinté de noir.

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Quant au sol, il avait disparu depuis le début des travaux sous de grandes plaques de bois en guise de protection.

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Toutes ouïes vers le ciel…

Mardi 16 septembre

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Le clocheton est terminé.

Un travail d’orfèvre, avec une multitude d’ardoises qui se chevauchent, se recouvrent en quinconce et en superposition, sans jamais qu’un clou ne soit visible.

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Un raccord de lattage à mettre en place, mesurer l’ardoise, la présenter, la trouer, la fixer au moyen de clous de cuivre, la rogner… Au total, chaque fois, près de 40 gestes, sans compter les allées et venues sur la passerelle pour chercher la scie ou le marteau, une autre ardoise pour toujours revenir à cette inconfortable extrémité de la toiture, à l’avant gauche de la chapelle.

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Demain, dernier jour. Au programme : retouches, enlèvement de l’échafaudage et nettoyages du chantier.

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Le retour de la belle

Mercredi 17 septembre

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La chapelle a perdu son corset, les abords ont été nettoyés, d’innombrables retouches de peinture ont été appliquées et même s’il reste des détails à régler, le résultat est là.

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C’était avant…

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Quelques vues de détail, sans autres commentaires.

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A bientôt, en espérant pouvoir prochainement vous montrer l’intérieur qui, pour le moment encore, sert de débarras pour du matériel et des outils.

Textes et photos de cet article libres de reproduction à la condition de citer la source, Brania, et l’auteur.